La soupe de pâtes

Publié le par lilavande

Rabbi Eleazar dit un jour à son père, rabbi Elimélek, qui se mourait tout doux :

- N’as-tu plus goût à rien ? Que voudrais-tu ? Dis-moi. Un gâteau de blé tendre ?

Le vieil Elimélek lui répondit :

- Un jour, comme j’allais à Gdansk avec rabbi Zouzia, nous avons dégusté dans une pauvre auberge une soupe de pâtes à pleurer de bonheur. C’est elle, mon garçon, que j’aimerais goûter. Hélas, il est trop tard, je me sens trépasser.

Le jour même rabbi Elimélek mourut.

Rabbi Eleazar, après l’enterrement, s’en fut sur le pas de son père.

Le désir le poussait à découvrir ce lieu où son vieux bien-aimé avait un jour dîné. Il aperçut l’auberge au soir de la journée. Il y fut accueilli par une grosse rousse aux yeux contents de tout. Il s’assit près du feu.

La femme demanda :

- Avez-vous vraiment faim ? le n’ai presque rien, je ne peux vous offrir qu’une soupe de pâtes.

- Il ne m’en faut pas plus, répondit le rabbi.

La femme, rassurée, s’en fut à ses fourneaux.

A peine avait-il dit ses prières du soir qu’il la vit revenir, portant une soupière. Il se servit, goûta. Seigneur, quelle merveille ! Il vida l’écuelle.

Il en redemanda.

- Qu’as-tu bien pu fourrer dans cette soupe-là pour lui donner ce goût aussi divin que simple ? demanda-t-il enfin, les babines mouillées.

- Ma parole, monsieur, je n’ai rien mis du tout !

Et comme Eleazar s’étonnait grandement, elle lui fit ce récit :

- Un jour me sont venus deux serviteurs de Dieu. j’étais comme aujourd’hui, plus pauvre que l’hiver. Alors je leur ai fait une soupe de pâtes en priant notre Dieu de lui donner du goût. Je Lui ai dit :

« Seigneur, je n’ai rien, Tu peux tout. Vois ces deux-là, si fatigués. Dans Ton jardin parfait choisis quelques épices et fais que ce dîner ravigote leur corps ». Ils en ont avalé quatre ou cinq écuelles, puis l’un deux m’a dit : « Ta soupe est parfumée d’herbes du paradis ! » C’était sans doute vrai. Aujourd’hui, par hasard, je m’en suis souvenue et j’ai prié pour vous.

Elle rit d’un air d’excuse et s’en fut trottinant à ses menus travaux.

Henri Gougaud

Publié dans conte d'europe

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article